Santé
Plus de progrès, moins d’innovation
L’automobile remonte prudemment la pente glacée. Au plus fort du verglas, nous avançons sur la patinoire aussi timidement que la voiture des survivants de The Birds quand Hitchcock les fait s’échapper entre des millions d’oiseaux sanguinaires.
Prévenir les coups, ne pas finir aux urgences, parmi les patients les mieux soignés du monde… à condition de pouvoir y être soigné.
À la radio, j’entends le ministre de la Santé annoncer qu’il équipe les infirmières à domicile d’une tablette numérique.
Encore une patente grandiose, je me dis, qui pavane avec un budget et des études, sans doute probantes, alors qu’aspirer les sécrétions et changer les couches d’un nourrisson ou d’un vieillard sont des actions privées de légitimité administrative.
Faut-il s’étonner que sur cette question, et d’autres, le Dr Gaétan Barrette soit tant dissocié du sens commun ? L’organisation des soins à domicile, les conditions de vie et la rémunération des infirmières, le soutien des services professionnels en CLSC désertés au profit de ses McCliniques, l’absence de nouveaux préposés aux bénéficiaires… jusqu’au pain de savon, à n’utiliser qu’une fois la semaine.
Diafoirus, le médecin décrit par Molière dans Le malade imaginaire, n’est pas mort, et il est toujours aussi vaniteux. Nourris par les diktats qui construisent leur propre mythologie, lui et les siens auront construit des mégas-hôpitaux, comme s’ils avaient érigé des opéras sans livrets, ni musiciens, ni guichets.
Dans l’auto, j’improvise une conférence sur l’involution de notre système de santé. L’exiguïté des années Couillard-Barrette nous aura contraints, moi et mes meilleurs collègues, à ne pas pouvoir faire le meilleur pour les enfants et leurs familles. L’étau aura épuisé les plus grandes infirmières, les aura humiliées aussi, vraiment, en créant au sein même des établissements de petites cellules de surveillance aptes à exercer un terrorisme ordinaire sur celles et ceux qui entendaient parler « vrai ».